Évadez-vous à Alcatraz
Une prison de haute sécurité
Alcatraz est une petite île de la Baie de San Fransisco située à moins de 2 km de la ville. Longtemps utilisée comme forteresse militaire, elle est ensuite devenue une prison militaire. En 1934, le rocher est transformé en une prison fédérale de haute sécurité. Pendant notre visite, on suivait un parcours d’audioguide qui nous montrait tous les endroits où vivaient les prisonniers tous les jours. Chacun avait une cellule de 2 m2, avec un lit, un WC, un lavabo et… une grille d’aération. Toutes les portes des cellules s’ouvrent en même temps, il y a plusieurs appels par jour. Des couloirs en hauteur protégés par des grilles permettent à des gardiens armés de surveiller l’ensemble de la prison 24h sur 24. On apprend aussi que durant les années de fonctionnement de la prison, 4 prisonniers sont morts suite à des coups de fourchettes de leurs camarades. Dans la cour de récréation, il y avait un coin pour les noirs et un autre pour les blancs et souvent des bagarres. Quand on faisait une bêtise, on allait au « trou », une pièce vide et sans lumière, avec une grille plus un mur. Pour s’occuper, les prisonniers jouaient à lancer un bouton de chemise et à le rechercher à tâtons dans le noir. Avec tout ça, vous pensez bien-sûr qu’il est impossible de s’enfuir… Mais pourtant…
Une évasion mystérieuse
Un an a été nécessaire pour préparer la plus mystérieuse évasion d’une prison fédérale américaine. Trois prisonniers, Franck Moriss et les deux frères Clarence et John Anglin ont créé en papier mâché des fausses têtes de mannequin peintes. Grâce à des petites cuillères, ils ont aussi creusé patiemment le ciment pour élargir les bouches d’aération de leurs cellules. La nuit du 11 juin 1962, ils grimpent sur le toit en passant par des cheminées et ils redescendent sur la plage. Avec des imperméables volés, ils fabriquent un radeau gonflable et s’échappent sur une autre île située en face. Les gardiens ne s’en aperçoivent que le lendemain matin lors de l’appel. Depuis ils sont demeurés introuvables et le directeur de la prison a toujours affirmé qu’ils sont morts noyés car personne ne peut/doit sortir vivant d’Alcatraz.
Nouveau rebondissement
Mais en 2013 une mystérieuse lettre est parvenue à la police de Richmond dans la Baie de San Fransisco. Signée John Anglin, cette lettre affirme qu’ils se sont bien échappés tous les trois en juin 1962 et qu’ils ont survécu. Le célèbre évadé, âgé de 83 ans, y affirme qu’il est le seul survivant des 3 comparses et qu’il accepte de se rendre, si on lui promet une peine de moins d’un an et qu’on lui offre des soins médicaux. La police n’a pas accepté ses conditions et la lettre a été rendue publique par la chaîne CBS seulement en janvier 2018.
Cette évasion célèbre a été reconstituée dans le film L’évadé d’Alcatraz, tourné en 1979 par Don Siegel, avec Clint Eastwood.
(Solal)
« We Hold the Rock »
Fascinante prison sur son roc, au milieu de la baie de San Francisco, tout près de la vivante métropole et pourtant si loin pour ses détenus, Alcatraz est au printemps un écrin de verdure où poussent des plantes incroyables, amenées par les familles des gardiens et employés de la prison. Des espèces d’oiseaux protégées y ont fait leur nid. Nous nous sommes arrêtés, comme les centaines de visiteurs de notre bateau, tout attendris devant une famille d’oisillons qui traversait la petite route escarpée montant aux bâtiments de détention. Depuis sa fermeture par Kennedy en 1963, la végétation et la faune ont repris leurs droits sur ce bout de rocher isolé, et l’île est officiellement un Parc national, géré, protégé et conservé par des rangers. Toute l’année, des milliers de touristes y débarquent, poussés par la curiosité de visiter cette prison réputée inviolable et dont les célèbres détenus, tel Al Capone, ont fait sa réputation.
Mais avant d’obtenir le statut officiel de Parc national, l’île a connu quelques épisodes moins connus et qui ont été pourtant capitaux dans l’histoire des États-Unis et en particulier des Indiens. Grâce à son statut de parc national, des traces de cette histoire sont encore visibles sur l’île et surprennent le visiteur non-averti (comme nous !) Des tags détournent les anciens panneaux de la prison : « United Indian Property » masque encore partiellement l’officiel « United States Penitentiary » et une réserve d’eau porte encore la fière revendication « Indian Land », visible depuis toute l’île. De 1968 à 1971, alors que les hippies de San Francisco portaient les cheveux longs et vivaient sans complexe leurs libertés, des Indiens arrachés à leurs terres et à leur culture, sans argent et sans avenir dans la ville et l’American dream, se sont unis pour revendiquer leurs droits. Eux, à qui on interdisait de porter les cheveux longs – symbole de leur force et de leur appartenance – sous peine de les laisser mourir de faim, se sont réunis pour demander le respect de leur personne, de leur culture et de leur antériorité sur la terre d’Amérique. Bientôt rejoints par des Amérindiens de tout le continent, depuis l’Amérique du Sud jusqu’au Canada, de l’Est à l’Ouest américain, les Indiens se sont fédérés pour faire entendre leur voix à travers quelques manifestations marquantes et pacifistes qui ont permis de commencer à faire bouger les choses. L’une d’elle fut donc l’occupation et la revendication, en plusieurs tentatives, de l’île d’Alcatraz. Ce roc qui était à l’image de ce que leur avait laissé les Américains dans les réserves : un îlot isolé, désolé, une prison en somme…
L’expérience de l’occupation de l’île fut apparemment, pour ceux qui la vécurent, fondatrice : une vie de communauté, de solidarité et d’émergence d’idéaux. Le début d’un mouvement de reprise en main, d’affirmation de la communauté Indienne, dans toutes sa diversité.
Pour les touristes que nous avons été, le chemin semble encore long pour que les peuples indiens retrouvent une place digne dans la société et le paysage américain ! Dans les réserves, la pauvreté règne encore. Dans les Parcs nationaux, des traces des premières civilisations indiennes sont partout présentes, mais les Indiens ont été chassés de façon irrémédiable à la fin du XIXe siècle. Même si nous n’avons pas cherché à suivre « la piste des Indiens », un sentiment étrange nous prenait souvent à la vue du drapeau américain partout déployé et à la pensée que ces espaces magnifiques avaient été autrefois celui de la liberté, des animaux sauvages et des tribus nomades…
(Cécile)